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Edward Bernays, le premier influenceur

Edward Bernays est considéré aujourd’hui par beaucoup comme le père du Marketing moderne. Un titre que d’autres lui contestent. Après tout, n’est-ce pas Edward Bernays lui-même qui aurait contribué à créer son propre mythe ? En tout état de cause, le parcours de cet homme reste exceptionnel. Sa carrière dans les relations publiques a incontestablement marqué son temps. Son livre “Propaganda”, écrit en 1928, ne peut laisser indifférent.

Edward Bernays naît à Vienne -Autriche – en 1891, un an avant que ses parents ne décident de s’installer au Etats-Unis.

Il connait une enfance plutôt heureuse dans une famille de la classe moyenne new-yorkaise. Son père travaillait comme courtier dans une compagnie d’exportation de céréales.

Pour la petite histoire, Edward Bernays est le neveu du psychanalyste autrichien Sigmund Freud. Par son père qui est le frère de l’épouse de Freud. Et par sa mère qui est l’une de ses sœurs. Et pour finir la petite histoire, il est le grand oncle paternel de Marc Randolph, le co-fondateur de Netflix.

Si Bernays n’aura pas des rapports extraordinairement proches ou affectueux avec son oncle, il s’intéressera tout de même de très près à ses travaux. Notamment aux théories sur les fonctionnements inconscients chez un individu. Il en tirera de précieuses conclusions qu’il mettra en pratique tout au long de sa carrière professionnelle.

 

 

 

Edward Bernays, l’inventeur du marketing moderne ou premier des influenceurs ?

 

Premiers pas professionnels…

Bernays sort en 1912  – à 21 ans, donc – de l’université de Cornell avec un diplôme de techniques agricoles en poche. Peut-être l’a-t-il passé sous l’influence de son père et de son travail dans ce secteur.

Toujours est-il que le jeune Edward délaisse l’agriculture proprement dite et décide de se consacrer au journalisme. Mais il ne va pas s’éloigner de son secteur d’étude.

Il rôde tout d’abord sa plume en écrivant quelques petits papiers dans The National Nurseryman journal (Le journal national des pépiniéristes). Puis il travaille quelques temps au New-York City Produce Exchange (la bourse des matières à New-York). Vraisemblablement grâce à son père. Il y rédige principalement des communiqués et des rapports concernant les échanges de céréales.

Cette même année 1912, toujours grâce à l’intermédiaire de son père, il part à Paris. Là il travaille pour la compagnie Louis Dreyfus.

A cette époque, cette compagnie est un très grand groupe. Ses activités s’étendent dans l’agriculture, l’agro-alimentaire, le transport international et la finance. Au début du XXème siècle, le groupe représentait 10% des échanges agricoles mondiaux et était le plus grand négociant du monde pour le riz et le coton.

Bernays se voit confier la tâche de lire, traduire et/ou rédiger des communiqués relatifs aux échanges céréaliers. Les quelques mois qu’il va passer en France au sein de cette compagnie vont lui permettre de toucher du doigt, pour la première fois, les mécanismes du commerce et de la vente de masse.

En décembre 1912 il rentre à New-York. Un autre projet l’attend.

 

Journaliste et… influenceur

Avec un ancien camarade de promotion, Frederick Robinson, il fonde « Medical Review of Reviews and Dietetic and Hygienic Gazette » – « Revue des Revues médicales et Gazette de la diététique et de l’hygiène ».

Les deux journalistes adoptent des positions résolument progressistes pour l’époque. Par exemple, ils vont se prononcer contre le port du corset pour les femmes et pour la popularisation de la pratique quotidienne de la douche. Ils n’hésitent pas à envoyer gratuitement des exemplaires de leur journal à des milliers de médecins à travers tout le pays pour recueillir leurs opinions et se créer des soutiens.

 

The Damaged Goods

Leur première grosse controverse – leur premier coup d’éclat – sera leur prise de position en faveur de la pièce « The damaged goods » – « Les avariés ». Dans cette pièce, l’auteur – Eugène Brieux, un français » – dénonce sans ambages le lien entre prostitution et maladies vénériennes et met en cause le manque d’éducation dans ces deux domaines tabous.

Bernays et Robinson vont prendre fait et cause pour la pièce. Ils vont écrire à l’acteur principal Richard Bennett – très connu à l’époque :
« Les éditeurs de la Medical Review of Reviews soutiennent votre louable intention de lutter contre la luxure sexuelle aux États-Unis en produisant la pièce Damaged Goods de Brieux. Vous pouvez compter sur notre aide. » Bernays va même qualifier Les Avariés de « pièce de propagande qui lutte pour l’éducation sexuelle ».

La position des deux hommes est ambigüe. Volontairement ou pas, l’histoire ne le dit pas. Toujours est-il que leurs propos entrent en écho avec deux courants politiques opposés. D’abord les conservateurs qui, même s’ils jugent la pièce amorale, ne peuvent que se déclarer en faveur d’une lutte contre « la luxure sexuelle aux Etats-Unis ». Ensuite les progressistes qui sautent sur l’occasion pour mettre en avant la cause des femmes prostituées et les ravages sociaux causés par les maladies vénériennes.

Mais Bernays ne va pas en rester là.

Il fonde le « Medical Review of Reviews Sociological Fund Committee » – « Le comité pour le fond sociologique de la Revue des revues médicales ». Un fond de soutien destiné à apporter des moyens dans la prévention des maladies vénériennes. Et il va réussir à rallier des soutiens de poids, tant politiques que financiers : John D. Rockfeller Jr (fils unique du fondateur de la Standard Oil), Franklin Delano Roosevelt et sa femme Eléanore (le futur Président des Etats-Unis et sa femme), l’influent Pasteur John Haynes Holmes, ainsi que Anne Vanderbilt, la femme de William Vanderbilt dont la famille avait fait fortune dans les chemin de fer.

 

Attaché de presse et… influenceur

A la suite de cet habile et lucratif coup d’éclat dans le monde du spectacle, Bernays va officier comme attaché de presse auprès de nombreux artistes. Et il va se montrer très créatif. Il posera là les bases des techniques marketing qu’il formalisera plus tard.

Par exemple, il va assurer la promotion de la pièce « Daddy Long Legs ». Celle-ci parle du parcours d’une orpheline, en associant la vente des places à une action caritative en faveur des orphelins. Pour promouvoir Sergeï Diaghilev et ses Ballets Russes, il va faire publier toute une série d’articles sur les subtilités techniques du ballet. Tout en diffusant à grande échelle une affiche réalisée à partir d’une photo de la danseuse Flore Revalles. L’artiste pose vêtue d’une robe moulante ultra-provocante avec un énorme serpent. Il va faire du ténor Enrico Caruso une véritable idôle. Il lance des rumeurs sur l’extrême sensibilité de sa voix et sur les mesures extrêmes prises pour la protéger. Notamment la consommation de cigarettes Lucky Strike. Celles-ci sont présentées comme « douces pour la voix ». Il invente au passage le « cross marketing », opérations de promotion alliant deux marques et produits différents.

The Committee on Public Information (CPI ou Creel Committee)

En 1916, le Président Woodrow Wilson se fait réélire sur la promesse que les Etats-Unis resteraient en dehors de la guerre qui fait alors rage en Europe.

Mais l’administration Wilson sait déjà qu’elle se trouve en face d’un problème qui peut potentiellement devenir très grave. En effet, si les Français et les Britanniques perdent la guerre, ils seront dans l’incapacité de rembourser les sommes colossales que les Etats-Unis leur ont consentis sous forme de prêts ou d’échanges commerciaux pour soutenir leurs immenses efforts de guerre. Ce qui entraînerait des pertes colossales pour l’économie américaine.

Donc le constat est simple : l’Allemagne ne doit pas gagner. Et pour ce faire, les Etats-Unis doivent les soutenir militairement en envoyant des troupes pour se battre en France.

D’où le problème : comment le Président va-t-il réussir à convaincre l’opinion publique américaine d’entrer en guerre, lui qui s’est fait réélire sur la promesse d’un isolationnisme assumé ?

Ce sera la tâche confiée au « Comité pour l’Information du Public » : retourner l’opinion publique américaine en faveur d’une entrée en guerre.

Psychologic Warfare

Officiellement, il est créé par décret en 1917. Officieusement, les conseillers de Wilson l’ont mis en place dès la nouvelle prise de serment du Président Wilson en janvier 1917. C’est à ce moment qu’Edward Bernays va intégrer le Comité.

Pendant deux ans, le CPI, véritable organisme de propagande d’état, va contribuer à soutenir l’effort de guerre américain par tous les moyens possibles.

Campagnes de presse pour dénigrer l’Allemagne, pour dénoncer les exactions des soldats allemands. Pour le recrutement. Campagnes pour vendre des bons du trésor. Articles de journaux, entr’actes de spectacles, opérations avant et après des pièces de théâtre, affiches publicitaires, promotions en tout genre : Tous les moyens sont bons pour influencer l’opinion.

Et ça marche.

En deux ans, le CPI sera devenu une véritable « machine de guerre ». Ses méthodes sont novatrices dans les idées, mais surtout dans l’échelle colossale à laquelle celles-ci sont mises en œuvre. Le tout étant supporté par une organisation extrêmement rigoureuse.

Bernays travaillera pour le bureau des affaires latino-américaines du CPI. Où comment soutenir l’effort de guerre en utilisant au mieux les ressources des échanges de commerce et d’affaires avec l’Amérique Latine.

Lorsqu’il parlera de cette période et de son passage au CPI, Edward Bernays dira qu’il a fait de la « guerre psychologique ».

Propagande et scandale

Il fera également partie de la délégation des seize « publicitaires » qui accompagneront le Président Wilson à la Conférence de Paix de Paris ». A cette occasion il déclenchera un petit scandale en déclarant dans la presse que le but de la délégation était « d’interpréter les travaux de la Conférence de la paix en entretenant une propagande mondiale pour diffuser les réalisations et les idéaux américains ». Bernays va apprendre beaucoup de son passage au CPI.

Mais le plus grand enseignement qu’il va en retirer, c’est que toutes les méthodes employées pour le gouvernement et pour soutenir l’effort de guerre… restent tout à fait valables en temps de paix. Et qu’elles peuvent s’appliquer pour vendre n’importe quel produit, pour n’importe quelle entreprise.  Une idée toute simple. Mais une idée révolutionnaire. En 1919, au sortir de la guerre, il décide de se mettre à son compte. Délaissant le mot « propagande » dont il a appris à ses dépends lors du scandale à Paris qu’il pouvait être très mal perçu, il fonde à New-York sa propre agence de « Relations publiques » et décide de mettre son savoir-faire et son expérience au service de clients possédant de gros moyens. Il n’a que 28 ans.

Edward Bernays invente le conseil en relations publiques

Saucisses, œufs et… bacon

Au début des années 1920, Bernays et son agence ont l’occasion de frapper un premier grand coup. Il est contacté par la compagnie Beech-Nut Packing and Co.

La société vend des biens alimentaires : céréales, café et, principalement, du jambon. Son problème est que lors de la production du jambon elle perd énormément d’argent parce qu’elle n’arrive pas à écouler tous les produits transformés à partir du cochon, notamment le bacon. Elle cherche donc un moyen pour augmenter ses ventes.

Bernays va mettre en application l’un des principes qu’il a déjà utilisé lorsqu’il était attaché de presse et qu’il a vu fonctionner à grande échelle pendant la guerre :

Ne pas se battre pour forcer le client à acheter un produit, mais l’amener à le supplier qu’on le lui vende.

En d’autres termes : susciter le désir sans jamais donner l’impression de l’imposer.

Edward Bernays et ses employés réfléchissent : quand et comment les américains pourraient-ils manger plus de jambon ? Autrement dit, quel est le moment de la journée où ils en mangent le moins ?

La réponse leur saute aux yeux : le petit-déjeuner.

A l’époque, le petit-déjeuner des américains est plutôt léger. Il consiste en une boisson chaude (principalement du café), accompagnée d’une ou deux tranches de pain grillé et éventuellement d’un jus d’orange. Pour les enfants, lait et flocons d’avoine.

Compte tenu de son expérience à la « Revue des revues médicales », Bernays  a l’idée de se tourner vers des médecins qu’il connait en leur posant la question suivante : « Si les américains mangeaient plus au petit-déjeuner », cela pourrait-il être meilleur pour leur santé ? Mais il oriente la question. Puisque le petit-déjeuner est le premier « repas » après la nuit, ne serait-il pas bénéfique d’y manger plus pour avoir plus d’énergie pour être en meilleure forme pendant la journée ?

Naturellement, la plupart des médecins répondent par l’affirmative. Et, en bon scientifiques soucieux d’avoir raison, ou parce que Bernays les a payés directement ou indirectement, ils argumentent leurs réponses.

Bernays se sert de ces réponses pour contacter d’autres médecins. « Vos collègues affirment qu’il serait bénéfique pour les gens de manger plus au petit-déjeuner. Voici leurs arguments. Etes-vous d’accords ? Oui ? Parfait. Quels seraient selon vous les ingrédients les plus vertueux ? Est-ce que le jambon pourrait faire partie de ces ingrédients ? »

Naturellement, la plupart des médecins répondent par l’affirmative. Et, en bon scientifiques soucieux d’avoir raison, ou parce que Bernays les a payés directement ou indirectement, ils argumentent leurs réponses.

Certains élaborent même des recettes. C’est ainsi qu’arrive sur la table du petit-déjeuner idéal le bacon, grillé de préférence, avec des œufs, au plat ou brouillés et des saucisses. Le tout accompagné de toasts, de jus d’orange et pourquoi pas de céréales…

Et ainsi de suite…

Bernays continue jusqu’à ce qu’il obtienne des centaines de lettres de médecins allant dans le même sens. Sur la base de ces données, il fait alors établir par des médecins réputés un rapport préconisant un petit-déjeuner à base d’œufs, de bacon, de café, de toasts, de jus d’orange et de saucisses.

Il envoie ce rapport à des milliers de médecins à travers tous les Etats-Unis, sous la forme d’un sondage. Etes-vous d’accord avec ces préconisations médicales, oui ou non ?
4500 répondent par l’affirmative.

Bernays tient son socle de crédibilité. « 4500 médecin recommandent de manger du bacon et des saucisses au petit-déjeuner »  Et il enclenche la machine. Articles de presse, démarchages « informatifs » auprès des médecins, dans les écoles, dans les associations, les kermesses, etc. Pendant des mois et des mois il infuse les esprits, caution médicale à l’appui. Puis il sort une campagne de publicité avec une formule choc.  Ce petit-déjeuner ne sera pas le petit-déjeuner idéal. Ce sera le « Vrai petit-déjeuner américain ». En quelques mois, les ventes de la Beech-Nut Packing and Co explosent. Et quelques années plus tard, le petit-déjeuner ainsi conçu pour et par une pure opération marketing deviendra aux yeux de tous une véritable tradition américaine et anglo-saxonne.

Jusqu’à ce que plus personne ne se souvienne de l’origine réelle de cette « tradition ».

 

Politiques et marketing

Entre 1920 et 1940, Edward Bernays va conseiller plusieurs hommes politiques. Notamment Calvin Coolidge, pour l’élection présidentielle de 1924, puis le futur maire de New-York, puis Edgard Hoover. Et bien d’autres.

 

Les torches de la liberté

En 1927, Bernays est approché Ligget and Myes, les fabricants des cigarettes Chesterfield. L’American Tobacco Company, qui,possède notamment la marque Lucky Strike, réagit très vite et le débauche. George Hill, son PDG, sait à quel point Bernays peut être efficace. Rappelez-vous la campagne pour promouvoir le ténor Caruso. Son but est toujours le même : augmenter les ventes de tabac, donc de cigarettes.

Hill présente un constat factuel : les femmes ne fument pas. Autrement dit, près de 50% de la population n’est pas consommatrice de cigarettes.

Comment amener les femmes à fumer massivement ? D’autant qu’à l’époque, seuls les hommes fument. Pour une femme, fumer en public est très, très mal vu. Bernays s’attaque cette fois-ci à un véritable tabou social.

Il va appliquer quasiment la même méthode que pour l’american breakfast.

Au défilé de Pâques suivant, à New-York, Bernays embauche plusieurs femmes qu’il fait défiler une cigarette à la main. Très bien habillée, dans le plus pur style de l’élégance de l’époque, elles fument en brandissant des pancartes où il était écrit : « Les torches de la liberté ». Bernays n’hésite pas à franchir le cap : les cigarettes portées par les femmes sont comme la torche portée par la statue de la liberté : le symbole d’une nouvelle liberté. L’effet est immédiat. En quelques mois, le sujet s’est emparé des consciences. La cigarette devient non un symbole de l’émancipation féminine, mais un accessoire de séduction.

 

Edward bernays ! Propaganda

Edward Bernays meurt en 1995 à l’âge canonique de 103 ans.

Il reste devant l’Histoire le père du marketing moderne.

Controversées, critiquées, détestées ou adulées, ses méthodes ont conquis l’espace du marketing publicitaire et politique.

Mélange de cynisme et de réalisme, aux frontières de la psychanalyse, de la philosophie, et de la réflexion sociétale, les méthodes décrites dans ce livre sont à aborder avec précaution et lucidité. En effet, si on les prend au premier degré et sans le recul d’analyse indispensable, elles flirtent aujourd’hui avec les théories complotistes les plus nauséabondes. Pour autant, elles restent incontestablement modernes dans leur approche du comportement humain en collectivité.

En 1928, il a formalisé ses théories et leurs mises en pratique dans un livre intitulé « Propaganda ». En réalité, Bernays n’a rien inventé. Il s’est appuyé sur les travaux de penseurs comme Gustave Lebon, le théoricien de la psychologie des foules. Ou encore des analyses économiques de Walter Lipmann, un journaliste et penseur politique, dont l’analyse des fonctionnements de la société et de ses principes économiques fait encore autorité aujourd’hui.

Bernays résumait l’ensemble de son approche théorique sous la formule :

« La fabrique du consentement ».

Une formule très juste, mais que l’on ne peut comprendre que si l’on s’attarde à bien étudier, avec toute la clarté, l’analyse et la prise de recul nécessaire les théories énoncées dans « Propaganda ». On peut synthétiser le contenu complexe de ce livre en deux grands principes :

Toucher l’émotionnel plutôt que le rationnel

Faire appel au désir plutôt qu’à la contrainte

Plus cyniquement, Bernays va pousser à l’extrême ses conclusions. Il va par exemple préconiser de « Créer volontairement des clivages » ou encore « Poser un sujet en terme d’affrontement des valeurs, et non en terme de rationalité. »

Il faut ajouter pour terminer que les théories de Bernays et ses formidables succès sont dus bien plus à l’effet novateur dont ils ont bénéficié à leur époque. On parle des réussites de Bernays, mais jamais de ses échecs. Lui-même ayant soigneusement veillé à entretenir le mythe autour de son savoir-faire.

C’est un peu comme un tpur de prestidigitation. Lorsqu’il est réalisé pour la première fois, le public est bluffé. Mais lorsque le public connait le tour, qu’il l’a déjà vu ou qu’il en connaisse le secret, la magie n’opère plus.

Edward Bernays ne doit donc pas être idéalisé. Et son « génie » doit être relativisé. Si on ne peut nier une certaine audace, une réelle créativité et un goût assumé pour la provocation, il ne faut pas oublier qu’il n’a rien inventé. Son talent a plutôt consisté à synthétiser des théories comme celles de Gustave Le Bon ou Walter Lipmann. Et à les mettre en pratique pour la première fois dans le monde de la consommation.

Car toutes ses campagnes n’ont pas fonctionné. Et force est de s’apercevoir que ses principes, s’ils conservent une réalité d’application pratique incontestable, restent très théoriques. Leur effet s’est grandement atténué au fil des années, notamment grâce à l’éducation des consommateurs, à leur prise de conscience des fameuses méthodes marketing, et au web qui permet aujourd’hui de casser les codes.

On constate ainsi depuis les années 2000, et plus en encore depuis la crise de 2008, un rejet progressif mais constant par les consommateurs des méthodes publicitaires frontales dans les populations, presque toutes catégories sociales . Le rejet de la publicité classique, sous toutes ses formes, est bien réel. Et puis les habitudes de consommation ont changé. Les vecteurs sur lesquels les marques peuvent toucher leur audience aussi.

En tout état de cause, les théories de Bernays se heurtent avec les prises de conscience sociales, le libre arbitre, la capacité de peser le pour et le contre, et de réfléchir de manière objective.

Même si l’afflux continu d’informations brutes, notamment via le web et les réseaux sociaux, viennent quelque peu brouiller les cartes…

Contrairement à ce que Edward Bernays affirmait, chacun possède la capacité – a la responsabilité de – d’être un véritable esprit libre, objectif et éclairé.

Autant que faire se peut…

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