La bataille de Verdun est la plus longue et la plus sanglante des batailles de la première guerre mondiale. « L’enfer de Verdun » dure 10 mois, de février à décembre 1916, pendant lesquels l’horreur de la guerre des tranchées atteint un paroxysme jamais égalé.
La bataille de Verdun : le contexte
Grâce à une brusque contre-attaque sur la Marne en septembre 1914, anglais et français parviennent à exploiter à leur avantage une erreur de manœuvre des allemands. C’est alors la « course à la mer », pendant laquelle les belligérants tentent vainement de se déborder par le flanc.
Au final, le front se stabilise sur une ligne d’environ 750 à 800km, de la mer du Nord à la Suisse. C’est alors la fin de la guerre de mouvement. En conséquence, les armées adverses s’enterrent dans des lignes de tranchées fortifiées. Par conséquent, la guerre qui ne devait durer que quelques semaines est en passe de prendre une toute autre tournure…
Ainsi, 1915 voit divers combats meurtriers mais sans grande importance stratégique. Tandis que l’hiver 1915/1916 s’installe, les adversaires de préparent leurs plans pour l’année à venir.
C’est sur le front occidental que les allemands envisagent de reprendre l’initiative. C’est pourquoi ils préfèrent temporiser leurs actions à l’est pour ne pas s’enfoncer trop profondément en Russie. Quant aux anglo-français, ils prévoient une grande attaque sur la Somme. Elle est censée percer définitivement les lignes ennemies. Le général allemand Falkenhayn projette quant à lui une offensive écrasante sur un saillant du front français : la ville de Verdun. Il prévoit d’anéantir les troupes françaises sous un déluge d’artillerie. Il lancera ensuite son infanterie pour achever d’occuper le terrain. Le but de Falkenhayn n’est ni plus ni moins que de saigner à blanc l’armée française.
La bataille de Verdun : le déroulement
La préparation allemande
Pour les allemands, le secteur de Verdun présente trois avantages majeurs.
D’abord, cette zone est un saillant français de la ligne de front. Il s’enfonce significativement du côté allemand. De fait, la zone est déjà entourée de trois côtés à la fois par les forces du Kaiser. De pluse, elles disposent dans le secteur d’un bon réseau logistique routier et ferroviaire. Les français n’ont qu’une route et une voie ferroviaire pour acheminer leurs renforts.
Ensuite, les français ont prélevé de la zone de nombreuses troupes et beaucoup de matériel. De plus le réseau de forts qui ceinture la zone de défense française (dont Douaumont et Vaux) est vétuste et très peu adapté à la guerre moderne. Et la couverture défensive de la zone est rendue très compliquée par la rivière Meuse, un obstacle naturel contraignant. Falkenhayn connait parfaitement toutes ces faiblesses. Il entend bien les exploiter très rapidement pour atteindre ses objectifs en infligeant un maximum de pertes à ses ennemis.
Enfin, le secteur se trouve très près du carrefour ferroviaire de Metz. C’est un très important nœud stratégique pour les français. Sa prise ou sa neutralisation pourrait rapidement paralyser leurs déplacements et leur approvisionnement.
Les allemands amassent un matériel et un nombre de troupes considérables. Ils regroupent plus de 1200 pièces d’artillerie de tous calibres, en insistant particulièrement sur l’artillerie lourde. Ils rassemblent près de 20 divisions d’infanterie, dont 72 bataillons protégés dans des abris souterrains. Il faut de plus ajouter à cela toute la logistique nécessaire, des munitions – plus de 2 500 000 obus – jusqu’au ravitaillement. Naturellement, ces préparatifs de grande ampleur ne peuvent échapper aux renseignements français qui alertent leur état-major. Mais le général en chef Joffre reste incroyablement passif.
Le déclenchement
Le lundi 21 février 1916, vers 7h du matin, un déluge de feu et d’acier s’abat sur les lignes françaises. La bataille de Verdun est engagée. En deux jours, près de 2 millions d’obus sont tirés sur un front de quelques kilomètres. Les canons allemands ont reçu l’ordre de tirer à volonté, sans coordination particulière du feu, ceci pour maximiser le nombre de coup tirés et infliger le plus de dégâts et de pertes possibles au français. Ce terrible bombardement va durer toute la journée.
En quelques heures, toute la végétation disparaît. Le déluge d’obus déchiquète totalement les massifs forestiers des Caures, de Haumont et de Herbebois. Les paysage devient lunaire et apocalyptique. A 16 heures, plus de 60 000 soldats allemands s’élancent sur six kilomètres, près du bois des Caures. Ils investissent le terrain et l’aménagent rapidement pour mettre en batterie l’artillerie de campagne, menaçant ainsi directement les lignes de liaisons et de ravitaillement françaises. Les pertes côté français sont déjà terribles. Les déflagrations les ont pris totalement au dépourvu. L’artillerie allemande a littéralement broyé sous ses obus leurs premières lignes. Elle les a ensevelies sous des milliers de mètres cubes de terre et de gravats.
Le traumatisme des premières heures
On peine aujourd’hui à se figurer de manière réaliste le calvaire des soldats français écrasés et déchiquetés par cet enfer d’acier et de feu. Le terrible bombardement des premiers jours de l’offensive a complètement disloquées et broyées les défenses françaises. C’est pourquoi les allemands se persuadent rapidement que le succès est tout proche. D’ailleurs, très vite, dès le 25 février, les troupes d’assaut allemandes s’emparent du fort de Douaumont. La perte est rude pour les français qui voient leur principal point d’appui potentiel tomber sans qu’ils aient vraiment pu le défendre ou en profiter. Avec la prise de Douaumont, les allemands ne sont plus qu’à 5 km de Verdun et se rapprochent inexorablement.
Mais c’est là que le plan de Falkenhayn va commencer à s’enrayer. En effet, l’intense préparation d’artillerie allemande révèle vite ses inconvénients. Le terrain est devenu lunaire, parsemé de cratères d’obus gigantesques et obstrué de débris et d’obstacles en tout genre. Alors qu’ils auraient du exploiter rapidement leur avantage en s’engouffrant dans la brèche créée, les allemands voient leur progression considérablement ralentie par les résultats trop destructeurs de leurs propres bombardements…
La bataille de Verdun et la résistance inouïe des soldats français
Tandis que l’infanterie du Kaiser essaie tant bien que mal d’avancer dans un terrain totalement ravagé et presque impraticable pour les armements lourds, l’incroyable se produit.
Dans les positions françaises dévastées, des survivants surgissent çà et là. Ils ne sont que quelques poignées. Souvent sans officiers, sans ordres, sans moyens de communiquer, sans ravitaillement et complètement hébétés par les bombardements. Pourtant, dans un sursaut de survie complètement surréaliste, ces soldats qui ne sont plus que des fantômes résistent avec un courage et une abnégation inouïes.
Utilisant les reliefs du terrain détruit et les multiples obstacles, ils parviennent, là où ils se trouvent, à exploiter les difficultés de progression des allemands. Ils leur infligent ainsi des pertes terribles, sans que ces derniers puissent adopter une tactique logique face à cette résistance complètement inorganisée.
Les justes décisions du général de Castelnau
De plus, pour parer à l’urgence, Joffre détache deux divisions afin de soutenir le secteur. Il les donne au général de Castelenau avec les pleins pouvoirs pour prendre n’importe quelle initiative susceptible de bloquer l’avance allemande. Dès le 24 février, de Castelnau jette ces troupes dans la fournaise en rationalisant leur déploiement avec beaucoup de sens tactique. Avec les survivants des bombardements, elles parviennent à rétablir un semblant de front. Il faut à tout prix éviter la rupture des lignes. Elle entraînerait une retraite catastrophique et l’effondrement tant recherchée par l’ennemi.
Le 25 février, Joffre décide enfin l’envoi de la 2ème armée française au complet. À sa tête, un certain général Pétain qui se voit bientôt confié le commandement de toutes les opérations de la zone.
Bientôt, Falkenhayn, incrédule, constate l’arrêt de l’avance allemande. Alors même qu’elle aurait dû enfoncer définitivement les lignes françaises. De fait, la prise de Douaumont n’aura été pour les allemands qu’un succès éphémère qui ne se concrétisera pas. Dès le 26 février, l’échec de la percée éclair allemande marque la fin de la première phase des combats.
La voie sacrée : l’artère vitale de la bataille de Verdun
Pétain prend la défense du secteur à bras le corps. Pour couvrir les fantassins, il met en place le plus rapidement possible de l’artillerie lourde, récupérée et acheminée tant bien que mal. En outre, pour parvenir à maintenir ses lignes, il réorganise toute la logistique française.
Le seul accès pouvant permettre aux français de maintenir une ligne de ravitaillement et de soutien est une petite voie de chemin de fer. Elle est sinueuse et en mauvais état. Elle suit une petite route départementale de 56km qui se transforme en un bourbier impraticable à la première pluie. Qu’à cela ne tienne. Les français n’ont pas le choix. Alors ils réquisitionnent des civils. La route est aménagée sommairement. A force d’acharnement, la voie ferrée est renforcée et dégagée.
Un flot ininterrompu de camions est ensuite organisé nuit et jour dans les deux sens de circulation. On comptera jusqu’à un véhicule toutes les quinze secondes. Il faut ravitailler Verdun. Coûte que coûte. C’est pourquoi on ne s’embarrasse pas de principes. Interdiction absolue de stationner ou de gêner le trafic. Alors quand un véhicule et endommagé ou en panne, plein ou vide, il est immédiatement jeté dans le fossé. Ainsi, chaque semaine, plus de 90 000 hommes et 50 000 tonnes de matériel, munitions et vivres sont transportés sur cette route que des civils pavent et entretiennent sans interruption. C’est pourquoi cette artère se révèle tellement stratégique et vitale pour les français. À tel point qu’elle est vite baptisée « la Voie Sacrée ».
La reprise en main de Pétain
Pour assurer une combativité maximale de ses troupes, Pétain organise également des repos et des relèves fréquentes à partir d’une très large éventail d’unités. Au final, près de 70% des soldats de l’armée française participeront à la bataille de Verdun, ce qui renforcera le sentiment de cohésion nationale autour de ce terrible affrontement. Malgré l’âpreté des combats, les allemands n’adoptent pas du tout le même système pour gérer leurs troupes. Au contraire, ils s’organisent uniquement à partir des corps d’armée déjà engagés au début de l’offensive. C’est pourquoi repos et relèves seront chez eux bien moins fréquents.
La bataille de Verdun : l’enlisement
C’est ainsi que la première phase de la bataille de Verdun se termine, début mars. Malgré les moyens colossaux engagés, les allemands ont subi eux aussi d’énormes pertes. Pourtant, ils n’ont pas atteint leurs objectifs. La défense française n’est pas brisée. Bien au contraire, les français sont prêts à tout pour résister : « On ne passe pas ! ».
Malgré l’évidence de son échec, Falkenhayn va s’entêter envers et contre tout. Et c’est pourquoi le massacre va encore durer dix mois, jusqu’en décembre 1916. Dix mois interminables pendant lesquels les soldats des deux camps vont s’étriper dans un véritable enfer. S’il en restait un semblant, l’humanité disparaît totalement du front. Ne règnent plus que la barbarie, la sauvagerie, les gaz de combat, la terreur des lance-flammes, les traumatismes des bombardements, la boue, le feu, l’acier brûlant et le sang. Et partout, l’odeur insoutenable des cadavres en décomposition…
La bataille de Verdun : dix mois d’enfer…
En conséquence de la résistance acharnée des français, les troupes allemandes sont finalement repoussées sur leurs positions de départ. Plus que tout, des deux côtés le gain de terrain est totalement… nul. En conclusion, une gigantesque boucherie pour rien. On estime les pertes, tués, blessés ou disparus, à près de 380 000 côté français et près de 340 000 côté allemands. Plus de 22 millions d’obus ont été tirés. D’ailleurs, 80% des pertes dans les deux camps sont dues directement à l’artillerie.
Cet affrontement inhumain dont on peine à imaginer la violence reste le plus long et l’un des plus dévastateurs de la Première Guerre mondiale.
La bataille de Verdun devient pour les français le symbole national de la résistance et du courage… De l’horreur, aussi.