Celui qui deviendra Guillaume le Conquérant nait vers 1027 / 1028 à Falaise, dans le duché de Normandie. Guillaume est un bâtard. Ce sera d’ailleurs son premier surnom “officiel”, bien avant celui de “Guillaume le Conquérant”. Il est le fils de Robert Ier de Normandie dit “le Magnifique”, et d’une certaine Arlette, fille de Fulbert de Falaise, un embaumeur. Sa généalogie n’en reste pas moins prestigieuse. Par son père, il est le petit-neveu d’Emma de Normandie, qui a été l’épouse de deux souverains anglais.
Guillaume le Conquérant, ou l’ascension d’un “bâtard”
En 1034, le duc Robert prend la décision d’effectuer un pèlerinage à Jérusalem. Ses proches tentent de l’en dissuader. La situation dans le duché n’est pas vraiment stable. Robert a du lutter l’arme à la main pour faire reconnaître son autorité sur quelques-uns de ses vassaux. De plus, Robert n’a alors pas d’héritier légitime en âge de régner. Or le voyage à l’époque pouvant s’avérer des plus périlleux. La mort éventuelle du duc pourrait bien relancer des querelles de succession destructrices et ruineuses. Le seul fils de Robert, c’est Guillaume, le bâtard. Qu’importe. Le duc veut faire son pèlerinage.
Alors il réunit les plus puissants de ses vassaux normands et leur fait jurer fidélité à Guillaume. Ainsi, il l’officialise comme son héritier légitime. Arrive ce qui devait arriver, Robert le Magnifique meurt en revenant de Jérusalem, en juillet 1035 à Nicée… Et Guillaume, le bâtard seulement âgé de sept ou huit ans, devient alors duc de Normandie. Intolérable pour une partie des principaux barons normands qui avaient refusé à Robert de reconnaître ce fils “naturel”.
Le duché de Normandie entre alors dans une période de graves troubles de succession qui vont durer un peu plus de dix ans pendant lesquels les plus grandes familles vont se livrer à une guerre que l’on pourrait presque qualifier de “civile”. Supprimer l’enfant serait le moyen le plus rapide pour ses opposants d’arriver à leurs fins. Seulement voilà, le jeune Guillaume bénéficie du soutien des principaux vassaux de son père, du roi de France Henri Ier, mais surtout de celui de l’Eglise, ce dernier point le rendant quasi intouchable. Tuer un enfant, qui plus est reconnu de légitimité divine, constituerait presque un blasphème irréparable.
Les complots et les tentatives d’assassinat n’épargneront toutefois pas son entourage proche. Quatre de ses protecteurs vont payer de leur vie leur soutien au jeune duc. Son oncle maternel, Walter, sera donc malgré tout obligé de le cacher à plusieurs reprises chez des paysans. C’est une période sombre pour la Normandie. La guerre est inévitablement la cause de mauvaises récoltes, de famines et de terribles épidémies.
En 1046, Guillaume est devenu un homme fait. Le tabou moral de sa mort s’est dissipé avec le temps. Il va échapper de peu à une tentative d’assassinat directe, près de Valognes. Cette fois il faut en finir. Avec le soutien militaire et financier du roi de France, le jeune homme entre en campagne contre ses vassaux rebelles et finit par les battre en 1047, près de Caen à la bataille de Val-ès-Dunes. Le dernier récalcitrant irréductible, Gui de Brionne, est soumis et exilé deux ans plus tard. Guillaume, qui malgré cette reprise en main de son duché n’est toutefois pas encore “Guillaume le Conquérant”. Il se marie avec Mathilde de Flandre, la nièce du roi de France.
L’alliance avec ce dernier va connaître son point culminant en 1051 lorsque les deux hommes vont lancer leurs armées contre le comte d’Anjou, Geoffroy du Maine, qui a l’outrecuidance de s’approprier par la force Le Mans, Domfront et Alençon que le roi avait jadis donné à l’un de ses fidèles. C’est pendant cette campagne que Guillaume de Normandie va poser les premiers jalons d’une réputation militaire qui lui vaudra plus tard le surnom de Guillaume le Conquérant.
Mais les rois sont versatiles. Un an plus tard, Henri 1er réalise que Guillaume est un homme de tempérament, habile stratège, et auquel son mariage avec Mathilde pourrait ouvrir des perspectives ombrageuses pour la couronne de France. Il retourne sa chemise pour s’allier avec Geoffroy du Maine, se trouve un nouveau soutien en la personne de Thibaud de Blois et n’hésite pas à envoyer son armée soutenir Guillaume d’Arques, un vassal de Guillaume entré comme par hasard en rébellion en 1053. L’armée normande soumet d’Arques et défait l’armée française à la bataille de Mortemer.
De Guillaume de Normandie à Guillaume le Conquérant
Vexé, Henri 1er met sur pied une large coalition réunissant les duchés d’Aquitaine, d’Anjou, de Bourgogne, de Bretagne, ainsi que les comtés de Champagne et de Chartres. Objectif Rouen, la capitale du duché de Normandie. C’est mal connaître Guillaume. Bien épaulé par ses fidèles lieutenants, usant d’une tactique de défense active, Guillaume va infliger une série de défaite cuisante à ses adversaires et force le roi de France a abandonner la partie pour réclamer la paix. Pas pour longtemps.
Henri 1er remet le couvert en 1057. Cette fois il prend Guillaume par surprise. Mal préparé, celui-ci ne peut que temporiser pendant que le roi de France pille son duché. Il attend le bon moment. Une occasion lui est offerte près des marais de la Dives, non loin de Varaville, où le terrain est peu propice à l’armée française. Il la saisit, fond sur l’arrière garde française et, par une action aussi violente que fulgurante, prend en tenaille le reste de son armée. Henri 1er doit battre en retraite précipitamment sous la menace directe de Guillaume.
La bataille de Varaville impose définitivement Guillaume de Normandie. Débarrassé pour longtemps de la menace française, il se consacre à son duché et soumet les derniers récalcitrants soit d’autorité, soit par d’habiles concessions de terres et de titres. Il s’entoure d’un cercle restreint de fidèles parmi les fidèles qu’il place à des postes clés. Il restreint considérablement les influences locales de ses plus petits vassaux et réorganisant son administration. En 1060, il fait construire un puissant château à Caen et fait de la ville la capitale de la Normandie. Il s’assure enfin de ses frontières sud avec l’Anjou et de celles avec la Bretagne contre qui il n’hésite pas à intervenir militairement.
C’est dans ce contexte de retour à la paix et du renforcement considérable de son autorité que Guillaume va, quelques années plus tard, devenir Guillaume le Conquérant en portant son ambition sur un pays au-delà de son duché : l’Angleterre…
A suivre : La Bataille d’Hastings Guillaume le Conquérant
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