La bataille d’Hastings va marquer la prise de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant. Après avoir réussi à prendre le pouvoir et assurer fermement sa couronne de duc de Normandie (voir notre article précédent), Guillaume le Conquérant va porter son attention sur un pays bien plus au nord de ses terres, de l’autre côté de la mer : l’Angleterre. Pourquoi a-t-il décidé de s’emparer de ce royaume ? Comment a-t-il réussi malgré les risques et les gigantesques difficultés imposés par une telle expédition ? Comment est-il devenu réellement Guillaume le Conquérant ? Eléments de réponse.
La bataille d’Hastings : pourquoi Guillaume voulait-il conquérir l’Angleterre ?
Si la bataille d’Hastings est restée célèbre dans l’Histoire, le mécanisme qui amène Guillaume le Conquérant à revendiquer le trône d’Angleterre est en revanche assez peu connu. En 1051, le roi d’Angleterre, Edouard le Confesseur, est un proche de la famille de Guillaume. En 1013, ses parents s’étaient réfugiés à la cour de Normandie après avoir été chassés de leur trône par le viking Sven 1er du Danemark. Edouard lui-même avait du attendre près de trente an avant d’être à son tour couronné en 1042. Le roi d’Angleterre entretient donc un lien particulier, probablement affectif, avec la Normandie. Et il n’a pas de descendance… Conquérant
Edouard aurait-il formellement promis sa couronne à Guillaume le Conquérant ? Aurait-il également promis sa succession à plusieurs de ses vassaux anglais pour les amadouer et maintenir un calme relatif dans son royaume pendant ses dernières années ? Et en particulier, n’aurait-il pas promis sa couronne à son beau-frère, Harold Godwinson, comte d’Essex ?
La bataille d’Hastings : pour une promesse non tenue ?
Toujours est-il que Harold aurait effectué un voyage en Normandie aux alentours de 1064. Visite pendant laquelle il aurait assuré Guillaume le Conquérant de sa fidélité en lui prêtant devant Dieu un serment solennel et en renonçant à son profit à la succession au trône d’Angleterre. C’est de cette manière que le duc de Normandie se serait alors positionné comme seul successeur légitime d’Edouard. Un épisode dont la preuve historique formelle manque, bien qu’elle ait été “immortalisée” sur la tapisserie de Bayeux…
Edouard meurt au tout début de l’année 1066. Et, quelle que soit la promesse faite – ou non – à Guillaume, c’est bien Harold qui se fait couronner roi d’Angleterre le lendemain même… Evidemment, Guillaume proteste. En vain. Qu’un serment ait été prêté, ou pas, Harold en conteste en tout cas la validité. Pour le duc de Normandie, c’est non seulement un parjure devant Dieu, mais surtout une gifle humiliante qu’il ne peut laisser passer. Contre l’avis de ses plus proches conseillers et amis qui jugent l’entreprise complètement folle, il prend la décision d’envahir l’Angleterre et de conquérir par la force ce trône qui lui a été volé… Quant à ceux de ses vassaux qui rechigneraient également à s’investir dans cette expédition, ils se verraient tout bonnement excommuniés depuis Rome par le pape Alexandre II… Rien de moins… On peut dire que Guillaume le Conquérant tenait vraiment à cette couronne d’Angleterre…
La bataille d’Hastings : les préparatifs
Seulement voilà, pour envahir les îles britanniques, il faut traverser la Manche. Et pour traverser la Manche, il faut des bateaux. Beaucoup de bateaux. Guillaume le Conquérant met en place un dispositif assez spectaculaire pour l’époque. Il parvient à rassembler plusieurs centaines de navires (au moins 600, peut-être un millier), et regroupe plus de 7 000 hommes, normands bien-sûr, mais aussi bretons… Avec toute la logistique nécessaire pour assurer l’approvisionnement de cette armée en matériel, chevaux, armes, bétail, nourriture, eau, hébergement, etc… Et ce pendant tout le temps des préparatifs, qui durent près de dix mois, mais également en prévision de la campagne à venir. Un effort colossal, une logistique phénoménale, pour une expédition militaire que seul Jules César avait tentée et réussie en son temps.
Guillaume ne néglige pas sa diplomatie. Bien au contraire. Il ne faudrait pas que ses voisins aient la mauvaise idée de profiter de son absence pour faire main basse sur son duché. Il ratisse large. Anjou, Bretagne, Flandre, des grands princes aux petits seigneurs, il promet à tour de bras. Des terres, des titres, des charges… Qu’il soit roi d’Angleterre, et les voilà tous riches. De quoi convaincre et s’assurer d’un certaine fidélité. Mais Guillaume n’est pas dupe. S’il rate son coup, son titre de duc de Normandie ne vaudra plus très cher… Enfin, en prévision de son absence, il officialise la régence de sa femme Mathilde sur le Normandie.
A la fin de l’été 1066, les préparatifs sont terminés. Mais la météo est défavorable. Il faut attendre. Même si les jours sont comptés. Car si l’automne s’installe, le temps, les marées et les vents rendront la traversée encore plus périlleuse. Début septembre, l’armée et les vassaux de Guillaume s’impatientent. Ils le pressent de renoncer. Mais ils ont tort. Ce qu’ils ne savent pas encore, c’est que le temps, au sens propre comme au sens figuré, joue en leur faveur.
Pendant ce temps là, en Angleterre…
Dans le nord de l’Angleterre, le frère de Harold, Tostig, lui aussi prétendant au trône, s’est assuré contre son aîné du soutien des vikings norvégiens qui débarquent en force à la mi-septembre et s’emparent facilement de York. Harold n’a pas le choix. Il marche avec son armée droit au nord, le plus rapidement possible. Le 25 septembre, il affronte les vikings à la bataille de Stamford Bridge et sort vainqueur de l’affrontement. Une victoire, certes, qui marque d’ailleurs la fin définitive de la présence et de l’influence viking en Angleterre. Mais une victoire qui va lui coûter cher. Car en Normandie, les vents ont tourné. Le 28 septembre 1066, Guilllaume le Conquérant et toute son armée ont débarqué sur les côtes du Sussex, au sud de l’Angleterre, dans la baie de Pevensey… Le Sussex… Un choix qui ne doit rien au hasard. Toute la région est le domaine personnel d’Harold…
Impossible pour ce dernier de laisser ses hommes se reposer après les affrontements épuisants de Stamford Bridge. Il est contraint de faire redescendre toute son armée à marche forcée. Vers le sud. Vers la petite ville près de laquelle Guillaume le Conquérant a choisi de s’installer et d’attendre en se retranchant… Ce sera la bataille d’Hastings.
La bataille d’Hastings : Guillaume de Normandie devient Guillaume le Conquérant
Les deux armées se retrouvent face-à-face le 14 octobre 1066. La bataille d’Hastings s’engage par un duel d’archer. Pour les deux camps, il s’agit à la fois d’impressionner l’adversaire et de tenter de l’affaiblir le plus possible avant l’engagement proprement dit. Choux blanc. Anglaises ou Normandes, ces premières volées de flèches causent bien quelques pertes mais qui n’augurent en rien ce la suite des événements. D’ailleurs ceux-ci semblent plutôt pencher pour les anglo-saxons. Guillaume a sous-estimé son adversaire. L’infanterie normande engage le combat, soutenue par sa cavalerie, persuadée que l’armée d’Harold, affaiblie par ses combats et sa marche forcée, va se déliter rapidement.
Contre toute attente, les anglo-saxons opposent une résistance farouche et déterminée. A tel point qu’ils font même reculer les normands dans une grande confusion. Un recul qui menace de se transformer en déroute quand la rumeur de la mort de Guillaume se met à courir dans les rangs normands. Le duc est mort, c’est sûr, on a l’a vu tomber, son cheval transpercé par un javelot. La panique commence s’emparer de l’armée. Sur l’aile gauche, tenue par les bretons, voilà que les anglais contre-attaquent avec férocité. La bataille semble perdue…
Une victoire difficile
Mais voilà, Guillaume le Conquérant n’est pas mort. Oui, il est bien tombé de cheval, mais il s’est relevé et à repris le combat. devant ses hommes incrédules, il est obligé d’enlever son casque pour se faire reconnaître. Avant de rassembler sa cavalerie et de se jeter avec elle sur les anglo-saxons pour sauver son aile gauche. Il parvient à rétablir la situation, mais il s’en est fallu de très peu.
La victoire de Guillaume le Conquérant ne sera pas chose facile. La bataille d’Hastings va durer toute la journée. Les normands ne vont avoir de cesse que de harceler les anglos-saxons par une succession d’assauts frontaux, suivis rapidement par des retraites précipitées pour tromper leurs adversaires et les attirer dans des contre-attaques perdues d’avance… Harold est touché d’une flèche dans l’oeil. Il s’effondre sous les coups des cavaliers normands. A bout de force, démoralisée, son chef mort, l’armée anglo-saxonne se disloque.
La conquête du trône d’Angleterre
Contrairement à une idée, reçu, la victoire de Guillaume le Conquérant à la bataille d’Hastings ne lui a pas donné le trône immédiatement. La noblesse anglo-saxonne, soutenue par le clergé, s’est trouvée un nouveau roi, Edgar Ætheling, qui refuse de capituler. Il faut encore de longues semaines de campagne à Guillaume avant de concrètement s’emparer de la couronne. Il assure d’abord son ravitaillement et une base solide en prenant le port de Douvres. Puis il entame la conquête du Kent et du sud de l’Angleterre.
Sans pitié. Il fait tout brûler sur le passage de ses troupes. Guillaume veut s’imposer rapidement, anéantir dans l’œuf toute velléité de révolte. Ceci pour se garantir d’une réorganisation anglaise qui le forcerait à une nouvelle bataille rangée. Il fait main basse sur le trésor royal à Winchester. À la fin du mois de novembre, les normands atteignent la Tamise et commencent à encercler Londres. Début décembre, ils resserrent un peu plus l’étau. Un par un, les principaux opposants se soumettent.
La bataille d’Hastings : les conséquences
La bataille d’Hastings lui aura indiscutablement ouvert la route vers la prise du pouvoir. Finalement, Guillaume le Conquérant entre dans Londres sans rencontrer de résistance dans la ville. Il se fait couronner roi d’Angleterre le 25 décembre 1066. Désormais, le plus dur reste à faire : gagner la paix et affermir son pouvoir…
Notes : les splendides images qui illustrent cet article sur La bataille d’Hastings sont la réalisation d’Emmanuel Cerisier dont nous vous conseillons vivement de consulter le blog, en particulier l’article sur ses illustrations de la vie de Guillaume le Conquérant au château de Falaise, ainsi que celui sur ses esquisses. Un talent extraordinaire, un véritable coup de cœur qu’Historyweb ne pouvait que vous faire partager.
Pour en savoir plus sur la bataille d’Hastings, ou même simplement pour apprécier les magnifiques dessins d’Emmanuel Cerisier, ne manquez pas de vous procurer son album “Dans les pas de Guillaume le Conquérant : Hastings 1066” – aux Editions L’Ecole des Loisirs