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John Law, de son nom complet John Law de Lauriston, nait le 21 avril 1671 à Edimbourg. Il est le fils d’un orfèvre de la ville très influent au sein de sa corporation, et qui mène avec brio des opérations financières complexes et risquées. Joueur et possédant de grandes capacités en calcul mental, John hérite de la fortune de son père à dix-sept ans. En 1694, un duel où il tue son adversaire lui vaut d’être condamné à mort, peine commuée en amende, puis de nouveau transformée en peine de prison. Il s’enfuit à Amsterdam où il se met à étudier la banque et la finance.

John Law écrit plusieurs essais sur la masse monétaire dans l’économie. Sans grand succès. Pendant plus de vingt ans, il va parcourir toute l’Europe sans réussite pour faire valoir ses idées. C’est à Venise qu’il va accumuler une fortune considérable en étudiant méthodiquement les jeux d’argent. C’est là également qu’il va s’initier aux techniques bancaires les plus pointues de son époque. Il découvre notamment que les marchands vénitiens n’hésitent pas à échanger leur or et argent contre du papier-monnaie, afin de faciliter leurs affaires et augmenter leurs profits.

John Law commence à étudier l’idée de la création d’une banque dans l’un des royaumes d’Europe qui n’en possèdent pas encore. A l’époque, il existe des banques d’affaire à Amsterdam, Nuremberg, Stockholm et Londres. Ces banques émettent des billets à ordre en échange de dépôts en or ou argent. Ce système garantit aux clients la convertibilité des billets à tout moment. Mais il est limité et ne permet pas à la banque de faire des opérations de prêt à grande échelle.

Le système de John Law

Au début du XVIIIème siècle, l’économie européenne est à la veille de sa révolution industrielle, et elle a besoin de monnaie pour prendre son essor. Mais elle dépend entièrement du système de convertibilité or-argent. Et c’est justement le moment où les métaux précieux se font moins abondants. La monnaie se fait donc plus rare. L’économie s’essouffle d’elle-même et tourne en rond.

John Law a l’idée de garantir des billets non pas sur leur valeur en or ou en argent, mais sur les revenus de terres agricoles. La valeur indiquée sur chaque billet à ordre correspondrait à une richesse foncière existante, garantie de sécurité pour les clients. A l’époque, ce système est une véritable révolution. Ce système révolutionnaire permet de calquer l’émission de la monnaie sur les besoins des Etats et leurs économies. Il va donc trouver son écho dans le besoin des économies européennes d’avoir plus de moyens et surtout plus de souplesse dans les paiements.

John Law présente son système au roi de Sicile qui rejette l’idée. En 1708, il fait une proposition à Louis XIV. Mais le vieux roi se méfie. Law n’est pas catholique. Le roi refuse. Law essuie d’autres échecs, mais ne désarme pas. Le vieux Louis XIV s’éteint en 1715. Law revient en France et offre ses services d’économiste au Régent du royaume, Philippe d’Orléans.

A cette époque, la situation financière du pays est dramatique. La dette de l’Etat est considérable. Louis XIV a en effet trop largement dépensé. Les ministres n’ont à proposer que des solutions bouche-trou à court terme. De plus, de nombreux financiers qui se sont enrichis au dépend du royaume guettent le moindre faux pas de l’Etat pour se remplir les poches.

Philippe d’Orléans écoute très attentivement les théories de John Law, d’autant plus que le papier-monnaie est inconnu en France. La conjoncture le mettant au pied du mur, il va voir dans le système de l’écossais un moyen facile et sûr de régler rapidement la dette et de donner un coup de fouet à l’économie du pays. Il autorise donc Law à créer la Banque Générale en 1716. Cette banque reçoit le pouvoir d’émettre le premier papier-monnaie en France, mais contre de l’or uniquement. C’est donc une banque classique sur le modèle anglais ou hollandais. Le succès est immédiat. Les négociants apprécient le côté pratique de ce nouveau mode de paiement.

Le système de John Law, la bombe à retardement

Le Régent lui-même souscrit des actions de la nouvelle banque, qui fait des bénéfices grâce au change et aux opérations d’escompte. Avec son appui, la banque va investir dans diverses affaires pour s’assurer d’autres revenus. Entraîné par ce grand succès, John Law va peu à peu mettre ses idées en application. C’est ainsi que la Banque Générale va commencer à émettre plus de papier-monnaie qu’elle ne possède d’or et d’argent ans ses coffres. John Law pense garantir cette création monétaire sur la base des divers revenus de la banque. De la pure spéculation sur d’éventuelles valorisations de produits financiers qu’il ne peut absolument ni maîtriser ni garantir…

En 1717, John Law décide de se lancer dans le commerce international. Il rachète la Compagnie du Mississippi qui a mis en valeur la Louisiane, puis crée la Compagnie d’Occident. Pour donner confiance au public, il organise une grande opération de propagande sur les bienfaits de la colonisation, notamment en Louisiane, bien qu’il n’ait lui-même aucune intention de développer ses investissements dans ce territoire.

En 1718, la Banque Générale devient Banque Royale, et gagne ainsi la garantie officielle de la couronne. De son côté John Law développe ses affaires. En 1719, sa Compagnie d’Occident absorbe la Compagnie du Sénégal, la Compagnie de Chine, et la Compagnie des Indes Orientales. John Law la rebaptise Compagnie perpétuelle des Indes, ou Compagnie des Indes. Il va pousser son avantage. Sa compagnie renégocie pour le compte de l’Etat les multiples rentes dont la couronne est redevable. Elle prête au royaume, contre la rente annuelle de 3% du total, la somme colossale de 1200 millions de livres pour mener à bien cette gigantesque opération de rachat de dettes. Naturellement, le règlement aux différents créanciers se fait… en billet de la Banque Royale. Mais les nouveaux billets, on l’a vu, on déjà une valeur bien supérieure à leur équivalent or-argent. Cet afflux brutal de monnaie provoque un début d’inflation. Mais ce phénomène passe inaperçu à cause de la grande confiance dans les nouveaux billets.

John Law est au sommet de sa réputation. En 1719, la Compagnie des Indes obtient l’incroyable privilège de percevoir les impôts indirects et de fabriquer la monnaie. Sans aucune idée du cercle vicieux qui se met lentement en place, l’état français permet peu à peu à John Law et son système de phagocyter l’ensemble de l’économie. Plus incroyable encore, en 1720, la Compagnie des Indes et la Banque Royale fusionnent en une seule et même entité. John Law est nommé Contrôleur Général des Finances, puis Surintendant Général des Finances.

Le crack

La machine infernale mise en place par John Law commence à s’emballer. Janvier 1720 voit la fabrication de billets pour un montant faramineux de plus d’un milliard de livres. Le capital de la Banque Royale atteint 322 millions de livres.

John Law se fait bien évidemment de nombreux ennemis, et parmi les plus grands du royaume. Ceux-ci, appuyés dans leur démarche par l’engouement phénoménal pour le système, commencent à spéculer à la hausse. En quelques mois, les actions de la Banque Royale émises, rappelons-le, en papier-monnaie, grimpent de 500 à 20000 livres. Tout naturellement, l’appât d’un gain faramineux pousse les plus gros détenteurs de billets à demander à la Banque la conversion de leurs avoirs en or ou argent sonnant et trébuchant. Or, les billets étant très largement surévalués, la Banque ne possède pas la quantité de métal précieux nécessaire à cette conversion…

En mars 1720, le système de John Law commence à sérieusement se fissurer. La rumeur d’un défaut de paiement de la Banque Royale se répand comme une traînée de poudre. La confiance dans le système s’effondre. Le 24 mars 1720, la panique s’empare de tous les tenants de papier-monnaie qui se présentent en masse pour exiger de la Banque le change de leurs billets… qui ne valent plus rien. C’est la banqueroute totale.

Pendant quelques mois, John Law va tenter de sauver la face. Mais même sa fortune personnelle est assise sur le papier-monnaie, c’est-à-dire sur du vent… Complètement ruiné, pourchassé par tous ceux qui lui avaient fait confiance, il est contraint de fuir la France, avec la protection officieuse du Régent, le 12 décembre 1720.

John Law | Faillite de la Compagnie des Indes | historyweb.fr

Gravure satyrique raillant le système de John Law

Des conséquences… surprenantes

La faillite de la Banque Royale ruine à l’époque environ 10% de la population française, surtout les riches actionnaires. A contrario, certains financiers ayant bénéficié de judicieux  renseignements profitent de la banqueroute pour s’enrichir considérablement. Mais aussi incroyable que cela puisse paraître, le système de John Law a eu également des effets  bénéfiques. Il a d’abord assaini la dette de l’Etat en la transférant sur les épaules de très nombreux épargnants. Il a de plus permis de sauver l’économie du royaume par l’afflux considérable de liquidités au moment où elle en manquait cruellement. Enfin,l’inflation générée a permis d’alléger les dettes privés de près de 50%. Ainsi, si les rentiers hors immobilier sont les grands perdants de l’affaire, les petites gens ont vu leur situation générale s’améliorer.

Le système de John Law appliqué à la Banque Royale française est le premier pas dans l’histoire de l’abandon de l’or et de l’argent comme unique moyen de paiement à l’échelle d’un état. Il marque, déjà à l’époque, les limites et les conséquences dramatiques de la spéculation financière. Pourtant, 300 ans plus tard, la théorie monétaire moderne et le système financier qui régit auhourd’hui l’économie mondiale intègre encore de nombreux concepts clés issus des idées révolutionnaires de John Law. Ainsi, la crise des subprimes de 2008 semble porter intrinsèquement de nombreux avatars pervers issus du système Law.

John Law est mort misérablement à Venise, d’une pneumonie, en mars 1729.

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